Par un beau samedi matin, me voila en train de me préparer pour sortir après plus de trois mois passés à domicile. J’ai commencé à en avoir des fourmis dans les jambes. Mais aujourd’hui je suis gaie comme un pinson, tel un oiseau qu’on libère enfin de sa cage… Ce jour serait comme un jour de Noël. J’imagine qu’il fait un temps superbe dehors, de ces temps qui vous chatouillent le cœur. Je sentirai enfin le soleil d’été pénétrer mon corps humidifié, mes narines retrouveront cet air doux de la mer. Quant à mes oreilles, elle n’écouteront que le son de l’agitation des vagues et des oiseaux qui volent au-dessus de l’eau.
Retour à la réalité. Dès que je quitte mon quartier et que j’atteins la route, je me rends compte que mon scénario n’était pas complet, puisque la première chose que j’entends c’est « Elle est bonne celle-là ! » comme on décrit un morceau de viande. Ah ! J’avais oublié d’ajouter à mon scénario que j’entendrai aussi des hommes qui jugeront ma tenue du jour, mon corps, mon maquillage et même les expressions de mon visage. Les choses ne changeront pas en trois mois, quand même.
C’est vrai que ce n’est pas un phénomène nouveau, celui de sortir dans la rue comme si on sortait devant un jury. Mais je me suis peut-être crée,, dans ma tête un monde de bisounours, sans toutes ces personnes lourdes qui te suivent dans la rue sans raison, sans te faire traiter de salope une fois que tu refuses d’entamer une conversation et où tu dois marcher en fronçant les sourcils pour avoir la paix.
Le virus n’a pas changé les comportement
Un virus a bien pu changer notre style de vie et bouleverser notre quotidien mais certains comportements, aussi inadmissibles qu’irrespectueux, restent inchangeables. Nous attendrons peut-être une révolution ? Mais d’ici là, nous les femmes, continuerons à subir. Nous continuerons à avoir la boule au ventre en voulant sortir, à s’habiller de manière discrète afin de ne pas attirer l’attention et à marcher en rasant les murs. Et détrompez-vous, même le port du voile ne change guère la situation…
En effet, de nombreuses femmes, peu importe leur âge, subissent une drague devenue presque traditionnelle. Parlons chiffres : selon une étude réalisée par Stop Street Harassment dans plusieurs pays du monde, ce sont entre 70 et plus de 90% de femmes qui déclarent avoir déjà été confrontées au harcèlement de rue. Au Maroc, 40 % des femmes entre 18 et 64 ans ont signalé un acte de violence dans les espaces publics pendant le temps qu’a duré l’étude selon une enquête menée par le Haut-Commissariat au plan.
Et jusqu’aujourd’hui, le harcèlement de rue, malgré sa gravité, reste ainsi minimisé voire normalisé. On se demande toujours qui pointer du doigt, est-ce le harceleur qui endosse la responsabilité ou alors la femme ? Pour plus de 60% des hommes, le harcèlement est « légitime » s’ils jugent « provocatrice » la tenue vestimentaire de leur proie. Étonnant, non ? Mais je ne cesserai de dire que ce que les femmes subissent quotidiennement dans la rue, entre sifflements, regards insistants, onomatopées et commentaires insultants… Rien ne pourrait jamais être justifié, c’est aux agresseurs de se contrôler et de mesurer l’impact de leurs gestes et de leurs mots mais en aucun cas aux femmes de se remettre en question.
L’une des principales causes du problèmes, c’est le fait que l’espace public n’est pas réparti équitablement entre les hommes et les femmes. La femme libre est une menace car elle vient se mesurer à l’homme dans cet espace qu’il pense lui être exclusif.
Drague ou harcèlement ?
Il est clair que les harceleurs ne font pas la différence entre drague, qui est une manière civile d’aborder une femme, exprimer poliment son admiration, et RESPECTER son éventuel refus, l’échange se fait alors cordialement des deux côtés, et le harcèlement qui est donc tout acte qui se fait en dehors du respect et du consentement mutuel.
Grâce à ce tableau réalisé et publié par le compte Paye Ta Shnek, chacun peut clairement distinguer deux attitudes qui n’ont rien à voir l’une avec l’autre.
Une loi sur le harcèlement, ça existe !
Si vous ne le saviez pas, la loi 103-13 sur la violence faite aux femmes a vu le jour au Maroc en 2018, comme dans plusieurs pays au Monde, celle-ci stipule qu’en cas de harcèlement dans les lieux publics, on pourra écoper d’1 à 6 mois de prison ou débourser entre 2.000 et 10.000 dirhams d’amende. (Ces condamnations s’appliquent au harcèlement de rue, aux messages vocaux, SMS et photos à caractère sexuel). ne gardez donc pas de tels agissements sous silence.
Et pour en finir, messieurs sachez qu’il n’est pas impossible d’aborder une femme dans la rue, mais avec du respect et de la courtoisie et non pas d’un sifflement à distance pour attirer son attention, ni d’une sollicitation insistante, intrusive et désagréable.
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