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Le skate à Rabat : ça roule ?

Tout comme le street art, le skate fait partie intégrante de la ville de Rabat. Les jeunes skateurs savent repérer les endroits de la capitale marocaine pour en faire de potentiels spots à rider. Même les lieux publics se transforment en terrain de jeu. Et ils forment une véritable communauté. Reportage.


La corniche : paradis des skateurs

Des bruits du choc des roues sur le bitume, des corps qui circulent dans tous les sens, des voix de jeunes qui résonnent… Voici à quoi ressemble le skatepark Assabah, ce samedi vers 19h. Même avec ce temps nuageux de Rabat, l’endroit a ses inconditionnels. Et il sont munis de leurs fidèles compagnons : leurs skateboards.

Situé sur la route côtière de la capitale, cet endroit semble faire l’unanimité. Les fans de glisse et de sensations fortes, petits et grands, s’y réunissent tous les jours.

Un skatepark dans le vent qui jouxte un grand terrain de basketball, faisant de l’avenue Moustapha Assayeh un lieu de rencontres agréables des jeunes Rabatis.

Skatepark Assabah, la corniche
Skatepark Assabah, la corniche

Hicham, 21 ans, svelte et grand de taille, roule sur un skate depuis sept ans déjà. Son aisance et sa souplesse de mouvements, il semble les avoir depuis toujours.

« Je ne suis pas un skateur, je suis plutôt longskateur, si je viens souvent à ce skatepark, c’est pour rencontrer la communauté des riders… En plus, quoi de mieux que de faire ce qui nous passionne, tout en respirant le bon air marin ? » confie-t-il en respirant un bon coup.

Hicham a pratiqué le skate pendant longtemps, mais aujourd’hui, il est à la quête de plus d’adrénaline et de sensations fortes. Il a opté donc pour le longboard, qui lui, permet de rouler à toute vitesse en milieu urbain.

Le skate : un style de vie 

Taha, 22 ans, et ses amis skateurs viennent à ce Skatepark à raison de trois à quatre fois par semaine. Ce qui les réunit ? Leur passion commune pour la glisse. « Si l’on croit que le skate n’est qu’un sport, on se trompe. Le skate est bien plus que ça, c’est un état d’esprit » précise Taha d’un langage mêlant anglais et arabe dialectal.

Abdou, 17 ans, ne tarde pas à les rejoindre, la démarche sautillante, le sourire jusqu’aux oreilles. Il explique que le skate a fait de lui une personne plus courageuse qui n’a aucunement peur de prendre des risques. « Avant de me lancer dans le skate, j’admirais beaucoup ses adeptes, ils étaient pour moi une source d’inspiration ». Il ajoute qu’il y a pris goût très rapidement : « Je ne saurais vous expliquer, mais depuis que je pratique le skate, je me sens distingué ».

Un style vestimentaire unique

Hicham est vêtu d’un T-shirt à motifs, un pantalon ample, un «  baggy » et de Vans bleues, un total look mettant en valeur sa silhouette. Il explique que mettre des couleurs extrêmes et des marques de vêtements spécifiques lui permettent de se démarquer, de paraître «  cool » et surtout de mieux s’intégrer au groupe.

Taha, lui, porte des vêtements larges et des chaussures plates uniquement pour le confort et la sécurité. Faciliter la mobilité et protéger son corps des égratignures et des bosses, c’est son unique préoccupation. Car oui, en plus du côté esthétique, les vêtements du skateur ont également une raison pratique.

Skatepark Assabah, la corniche
Taha

Un marocain au Jeux olympiques !

Taha a été sélectionné pour le tournoi international Dew Tour aux États-Unis, catégorie skateboard, qualificatif pour les Jeux olympiques de Tokyo 2020. Un évènement international auquel le Maroc a été le seul pays arabe à participer pour la première fois.

Il a fini 62e dans les épreuves du skatepark, sur 155 participants, un exploit dont il est particulièrement fier, « Des marocains participant aux Etats-Unis auprès des meilleurs skateurs du monde, on n’en voit pas tous les jours, c’était une expérience extraordinaire ».

Taha est un membre de l’association de sports urbains Yacoub & Manssour et c’est son coach qui lui a permis de gagner en maîtrise, en précision et en habileté. « On fait du skate depuis quatre ans tous les deux, mais Taha est plus fort que moi. Grâce à l’association, il a appris à rider comme un pro, en un temps record » lance Oussama, l’un des amis de Taha. D’ailleurs, ces figures, Taha n’hésite pas à les enseigner à ses amis skateurs quand ils se rejoignent au skatepark, une vraie preuve d’entraide et de complicité.

Oussama
Oussama

Le skate au féminin

Dans l’univers du skate, souvent associé à une image masculine, la parité se cherche.

Bien que les filles restent minoritaires, elles essayent tant bien que mal de trouver leur place dans un milieu occupé par des garçons plus aguerris.

Hiba, 16 ans, débarque au skatepark de la forêt Ibn Sina (appelée également « la forêt Hilton ») munie de son skateboard flambant neuf.

Au premier coup d’œil, on perçoit une jeune adolescente au style affirmé, ses cheveux longs bicolores laissent deviner ses énormes créoles, un moyen pour elle de revendiquer sa propre identité. Elle se dit « chanceuse » d’avoir des parents ouverts d’esprit qui ne l’empêchent pas de faire ce qu’elle aime. Leur seul souci ? Les chutes. « Mais je n’y peux rien, le skateur n’est jamais à l’abri des blessures » lance-t-elle tout en dévoilant sa cicatrice au bras.

Hiba au Skatepark Ibn Sina
Hiba au Skatepark Ibn Sina

Hiba évoque l’exemple d’une autre skateuse de son âge, dont les parents sont stricts et qui l’empêchent de vivre sa passion, « Ils la suivent partout, même au skatepark, elle n’a même pas le droit de côtoyer d’autre skateurs, c’est insupportable » déplore-t-elle.

Ghita, du même âge qu’Hiba, est aussi une mordue de skate. Elle rejoint son amie pour aller au parc Hassan II à quelques pas de la forêt Ibn Sina. Un espace qui s’étend sur une superficie totale de vingt hectares. Entre espaces verts, terrains de sport, mur d’escalade, espace de jeux et deux skateparks, tous les goûts sont servis.

Une fois arrivées, les filles se lancent dans un « bowl » plein à craquer. Cigarette à la main, Ghita admet qu’elle n’a jamais reçu de remarques déplaisantes de la part des garçons « au contraire, les garçons sont super cool avec nous, on est bien intégrées » dit-elle. Dans l’univers du skate, c’est l’envie d’apprendre et d’évoluer ensemble qui prime.

Skatepark Hassan II
Skatepark Hassan II

Nettoyer le skatepark par les skaters…

Ces jeunes fréquentent assidûment ce skatepark, et s’il y a bien une chose qui les ennuie, c’est quand les enfants envahissent la piste, « Je sais bien que l’endroit est ouvert à tous, mais si l’on veut s’asseoir et regarder, il y a des bancs pour cela » dit Oussama, l’air contrarié. S’il est aussi irrité, c’est parce que la veille, il avait bousculé accidentellement une enfant qui s’amusait à courir dans le «bowl » , ce qui lui a valu de gros ennuis avec les parents. Il propose comme solution de « mettre un agent pour assurer davantage de sécurité dans le parc ».

Enfants dans le bowl destiné au Skate
Enfants dans le bowl destiné au Skate

Et quand ces accros de la planche décident de rejoindre la piste, le même rituel s’impose : une opération de nettoyage, « Nous prenons l’initiative de vider l’endroit de ses déchets, parce que si on ne le fait pas, personne ne va s’en occuper » relève Abdou en levant ses mains vers le ciel, signe de son désolation. Il finit par ajouter, « C’est vraiment dommage, si un jour, on cesse de faire en sorte que le parc soit propre, il se transformera en déchetterie ».

Déchets dans le bowl
Déchets dans le bowl

Le « Spot »

Si la majorité de jeunes skateurs préfèrent les skateparks, d’autres choisissent le « Spot » pour faire rouler leurs planches. En les y observant, on pourrait croire que la capitale manque de skateparks. Pourtant, s’ils investissent cet espace, c’est pour l’avalanche de sensations que ça peut leur procurer.

Amine, l’air concentré, enchaîne les figures et semble y prendre son pied. « Il y a ici des choses qu’on ne retrouve pas aux skateparks, comme les handrails (balustrades, ndlr), les marches, les bancs…. Et on aime bien s’y aventurer », raconte-t-il.

Ce jardin voit arriver tous les jours des passionnés des sports de glisse, entre pratiquants de skate, de trottinette, de roller ou de BMX… Jusqu’à se faire connaître sous le nom de « Spot », un endroit qui n’est initialement pas dimensionné pour le skate et pourtant, très prisé par les « riders ».

Les lieux diffèrent mais la passion est la même, la planche à roulettes.

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Auteur·e

ilhamtalks

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